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À quoi ressemblera le marché du travail à l’horizon 2030 ?

À quoi ressemblera le marché du travail à l’horizon 2030 ?

Interprète des data, éducateur de robot ou encore Social Seller… D’ici quelques années, l’explosion combinée de l’intelligence artificielle et de la robotique redéfinira la matrice séculaire de notre marché de l’emploi. Avec la création de ces nouvelles professions, l’évolution de notre rapport individuel au travail va également évoluer vers plus de liberté et de cohésion sociale.

Près de 85 % des métiers de 2030 n’ont pas encore été inventés. Issu d’une étude publiée par le constructeur d’ordinateurs Dell et « l’Institut du Futur », un think tank californien, ce chiffre a de quoi susciter de nombreuses interrogations. À commencer par sa proportion. En entrecoupant la plupart des études sur le sujet, qu’elles soient réalisées par des gourous de la Tech, des cabinets d’études ou des organismes publics, il est vrai que ce chiffre varie un peu, mais il ne descend jamais sous la barre des 50%. C’est un fait, notre marché du travail entame une mue radicale.  Certains métiers sont voués à disparaître, de nouveaux vont être créés. Et au-delà, ce sont les cartes de notre rapport intime au travail, à la formation et à l’entreprise qui s’en trouve redistribuées.


Cesser de confondre automatisation et chômage de masse

Connaissez-vous le « luddisme » ? Ce violent conflit socio-économique eu lieu en Angleterre au début du XIXème siècle. Il opposa des artisans et des ouvriers à des manufacturiers qui souhaitaient généraliser l’utilisation des métiers à tisser mécaniques notamment dans l’industrie textile. Pris de peur par cette avancée technique, les « luddistes » se sont mis à organiser des descentes pour détruire ces machines qui, selon eux, menaçaient leurs emplois. Vers 1830, ce sont les ouvriers du livre qui s’opposèrent à Paris de façon virulente à l’introduction des presses mécaniques au sein de leur corporation. Angleterre, France, mais aussi Espagne, Autriche, Allemagne, États-Unis… ces mouvements de résistance montrent que la machine, en tant qu’acteur social de la modification du système de travail, a suscité la réticence de bon nombre d’individus.

En 1981, ce sont les dactylos de l’INSEE qui se lancent dans un mouvement de « luddisme informatique ». Refusant le « contrôle des rendements » imposé par l’arrivée de l”informatique, elles se mirent en grève et sabotèrent ce nouveau matériel. Suivies pendant de nombreux mois par des employés de banque, d’assurance et de nombreux fonctionnaires des services publiques, cet épiphénomène montre que partout et en tout temps, et ce dans la plupart des secteurs d’activité, une résistance à la machine se manifesta sous diverses formes. Il ne faut pas l’occulter, ni l’exagérer, mais plutôt essayer d’en comprendre les raisons. Chaque réaction épidermique au progrès technologique se base, bien souvent, sur des idées reçues qui entraînent une désinformation.

Une étude du cabinet McKinsey révèle que d’ici 2025, la moitié des heures travaillées en France seront potentiellement automatisables. Cela ne veut pas dire que la moitié des emplois vont être supprimés, mais qu’ils vont évoluer. D’ailleurs l’étude démontre que seulement 5% des postes seraient susceptibles d’être intégralement remplacés par des machines. De son côté, la Commission Européenne, via son organisme Eurostat, estime qu’à l’horizon 2030, l’automatisation sera capable d’engendrer au moins deux fois plus de création de postes que de disparition. L’automatisation et la robotisation de nos métiers sont actuellement les principaux défis de notre marché de l’emploi. Pourtant dès que le mot est lâché, certains « luddistes » modernes tonnent leur mécontentement. La principale erreur étant ici de corréler le taux de robotisation d’une société avec son taux de chômage. Actuellement, le Japon et l’Allemagne affichent les meilleurs taux au monde de robotisation par salarié. Pour autant, leurs taux de chômage n’excèdent pas les 4%. Pour combattre efficacement cette peur inconsciente de la machine qui supplante l’humain, les pouvoirs publics doivent redoubler d’efforts en termes d’évangélisation mais surtout d’éducation technologique.


Ne parlons plus de métiers, mais de compétences

Pour s’approprier le monde du travail du futur, chaque individu devra adapter sa propre formation. C’est la thèse développée par Isabelle Rouhan dans son livre « Les métiers  du futur ». Co-écrit avec la journaliste Clara-Doïna Schmelck, cet ouvrage tente de dresser un inventaire non-exhaustif des jobs de demain tout en réfléchissant à la nouvelle loi de l’offre et de la demande en matière d’emploi.

« Aujourd’hui, nous assistons à une obsolescence accélérée des compétences techniques qui vieillissent beaucoup plus vite qu’auparavant. Si la formation mise tout seulement là-dessus, alors le travailleur devient rapidement obsolète. Il faut donc mettre l’accent sur l’humain avec le développement des compétences des softs skills comme la confiance en soi, créativité, intelligence émotionnelle… Par exemple, la profession d’hôte de caisse va être complètement automatisée. C’est l’occasion de remettre des gens au contact des clients dans les rayons pour les orienter vers les produits, apporter un service après-vente cohérent.…»

Pour tous les types de métier, l’automatisation des tâches répétitives doit devenir une possibilité de se former continuellement, tout au long de sa carrière, à de nouvelles aptitudes. L’emploi à vie, un savoir-faire pour un métier, touche à sa fin. Nous entrons dans une phase d’employabilité à vie. La robotisation doit être vue comme un gain de temps qui permettra à de nombreux métiers de développer des nouvelles fonctions en matière de gestion de client et de conseil humain. La capacité à acquérir un nouveau savoir durant sa carrière vaudra plus que le savoir déjà appris. Cette pluralité des compétences deviendra une norme, encore plus nécessaire pour les métiers du futur que pour ceux d’aujourd’hui.

Concrètement, cela se traduira par une plus grande mobilité au sein d’une carrière. Selon le Bureau du Travail américain, en 2040, un individu sera passé par au moins huit emplois différents avant d’atteindre l’âge de quarante ans. Mais également par un important développement des travailleurs nomades, qui privilégiant des contrats en freelance, cumuleront différentes missions et employeurs.


Repenser le système éducatif en collaboration avec les entreprises

Pour Samia Ghozlane, directrice de la Grande École du numérique, un réseau de 750 formations aux métiers du digital en France, il faut avant tout revoir tout notre système éducatif.

« L’éducation est l’un des seuls secteurs qui n’a pas encore vécu sa révolution digitale : on est allé à l’école et on a appris comme nos parents. Or pour qu’une personne soit en capacité de continuer à apprendre tout au long de sa carrière, il faut instaurer un système de formation souple et agile, en synchronie avec les besoins de compétences des entreprises, aussi bien les grandes boîtes que les PME et les autoentrepreneurs ».

Savoir ajuster le besoin des entreprises sur des longues ou courtes missions en fonction des compétences de chacun à un instant donné, voici donc la clé de la réussite. Pour autant, il ne faut surtout pas voir ce lent, mais inexorable, déclin du CDI comme un moyen de précarité supplémentaire au service des entreprises. En effet, cette sorte d’ajustement économique, s’il est co-construit avec les individus, est d’abord au service du lien social comme l’analysait avec brio en 1893 le sociologue français Émile Durkheim dans son ouvrage « De la division du travail social ».  Pour lui, plus l’organisation du travail au sein d’une société est atomisée et mouvante, ce qui risque de s’amplifier dans les prochaines années, plus elle est source de cohésion sociale. En se spécialisant autour des compétences, la division du travail rend de fait chaque individu interdépendant, c’est la fameuse thèse de la solidarité organique d’une société.


@ Agence AKQA commandé par la fondation Misk Global Forum pour le forum économique de Davos en 2018

@ Agence AKQA commandé par la fondation Misk Global Forum pour le forum économique de Davos en 2018

Trois exemples de métiers du futur

Le digital et l’intelligence artificielle seront, évidemment, à l’origine de nombreux nouveaux métiers. Rassurez-vous, cela ne veut pas dire qu’il faudra savoir chuchoter des lignes de code par milliers à l’oreille des machines pour trouver un emploi en 2030. Zoom sur trois métiers qui auront la côte d’ici quelques années :

Le social seller, le commercial du futur

Ce commercial adepte des réseaux sociaux permet à une entreprise de remettre l’humain au cœur du processus de vente. En se déchargeant des appels téléphoniques répétitifs, le social seller construit son réseau de clients, partenaires ou prospects grâce aux réseaux sociaux. Il est alors capable de contextualiser chaque prise de contact via une actualité ou un rebond suite à une question ou un commentaire. Le degré d’appétence d’un nouveau client se jauge par l’analyse de ses interactions digitales. L’instantanéité de ces plates-formes oblige le social seller à être constamment connecté afin d’anticiper les moments digitaux, clés de contact.  Pas question de se réfugier pour autant constamment derrière un écran, une fois le contact établit, le rendez-vous physique, et donc le contact humain, reste indéboulonnable.

Le neuro-manager, le manager du cerveau

Et si connaître les bases de la neuroscience permettait de mieux manager des équipes ? Même s’il est inutile de faire des longues études de médecine, le manager du futur devra avoir un bagage rudimentaire en termes de biologie, de chimie du cerveau et de psychologie neuronale. Comprendre et identifier la manière dont se déclenchent les émotions dans un processus de décision permet de mieux accompagner et faire grandir son équipe. Cela nécessite évidemment de nombreuses de qualités humaines, mais aussi un besoin de connaître précisément le parcours de chacun de ses collaborateurs. Une sorte de « profilage » managériale.

L’interprète de « data », l’évolution programmée du « data scientist »

Véritable garant de l’absence de biais au sein des algorithmes d’intelligence artificielle, l’interprète de « data » est un vulgarisateur de données. En plus de prédire une action, avec taux de confiance acceptable, il doit expliquer de manière simple aux dirigeants la nécessité d’engager une action marketing ou une modification du produit. Son plus grand défi est de ne pas rester dans sa Tour d’ivoire, ses analyses doivent déboucher sur des plans d’action concrets. Pour une plus grande efficacité, il devra travailler étroitement avec un « éducateur de robots » qui lui se chargera de faire gagner en autonomie un programme d’intelligence artificielle.

Vous l’aurez compris ni les machines à tisser du XIX ème siècle, ni la micro-informatique du siècle dernier n’a fait vaciller notre système d’emploi. Ces avancées technologiques lui ont permis d’évoluer et par la même occasion de redéfinir les modalités de formations et de compétences attendues par une société. D’ici 2030, la robotisation et l’intelligence artificielle feront la même chose…

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