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Comment appliquer le « deep work » dans son quotidien ?

Comment appliquer le « deep work » dans son quotidien ?

Bombardé de distractions physiques ou virtuelles – bavardages d’open-space, notifications des réseaux sociaux, smartphone qui clignote sur le bureau – l’esprit du travailleur moderne est constamment absorbé par une distraction massive. À l’heure de l’hyper-connectivité, l’humanité est en train d’oublier la qualité intrinsèque à toute forme de travail réussi : la concentration.

Qu’il soit salarié, indépendant ou chef d’entreprise, chaque personne a déjà vécu les affres de ce scénario catastrophe. La journée commence pavée de bonnes intentions. To-do list du jour préparée avec soin la veille, agenda programmé au petit-déj avec la minutie d’un horloger suisse, le travailleur se promet enfin que sa journée sera placée sous le signe de la productivité. Mais le mécanisme s’enraye rapidement et le soir le constat d’échec est cuisant, la plupart des sujets urgents sont encore dans la colonne « in progress ». Le diagnostic est alors vite établi, c’est la faute de cette discussion sans fin sur Facebook pour organiser l’anniversaire surprise d’un ami ou encore à cause de ce collègue qui vient constamment vous demander de l’aide sur un dossier brûlant. C’est une ordonnance de charlatan que le travail s’auto-administre généralement. La détente et les activités secondaires au bureau sont nécessaires et ne nuisent pas à la productivité. Ne pas travailler comme un robot tous les jours, c’est également normal, nous restons des humains. En revanche, sur le long terme, le manque de concentration et le déni d’attention annihilent structurellement notre capacité à être efficace.


La distraction massive nuit gravement aux capacités cognitives

C’est un lien de cause à effet relativement logique : les réseaux sociaux et les smartphones ont un effet nocif sur notre concentration et donc la qualité de notre travail. La solution radicale ? Interdire leurs accès, se désinscrire d’Instagram et travailler dans un cagibi. Malgré ces mesures, rien ne garantira que votre journée soit vraiment efficace. Tout simplement car nous avons habitué nos esprits à la fragmentation d’attention. Professeur émérite à l’université de Washington, Sophie Leroy a mesuré de manière empirique le niveau d’attention d’un travailleur lors de son passage d’une tâche A à une tâche B. Elle identifie alors le problème suivant : lors de passage d’une tâche à une autre, notre attention ne suit pas immédiatement. Notre inconscient et certaines de nos facultés cognitives continuent d’être concentrés sur le travail précédent.

Cela paraît anodin, mais cela a pour effet de diviser constamment notre capacité d’attention. D’autant que dans ce type d’expérience, on ne parle pas que d’une succession de tâches professionnelles. L’enchaînement de tâches rapides nuit : remplir une note de frais, se connecter deux minutes sur Facebook, regarder ses mails, rédiger le début d’un rapport, partir en réunion ou finir le rapport. Sophie Leroy nomme cet effet le « résidu d’attention ».

Lors du passage d’une activité A à B, plus les résidus d’attentions sont intenses, plus les performances et la concentration sur les tâches suivantes sont faibles

Pour maximiser sa performance sur une tâche, il faut s’y consacrer exclusivement pendant un long moment. Quitte à décevoir la DRH de votre entreprise lors de votre prochain entretien annuel, non, être « multi-task » ne devrait pas être une compétence recherchée. La tyrannie du « multi-tâches » doit cesser, faire beaucoup d’activités en même temps de manière visible dessert l’épanouissement personnel et la productivité de l’entreprise.

Professeur agrégé d’informatique à la Georgetown University et auteur de cinq best-sellers dans le domaine du développement personnel, Cal Newport a publié en 2017 son ouvrage « Deep work » : retrouver la concentration dans un monde de distractions. Tout au long de ce livre, l’auteur développe avec pédagogie sa théorie du « travail profond », un état de concentration absolu qui pousse nos capacités cognitives au maximum de leurs possibilités. Le « deep work » ne doit pas être un état constant de travail, mais doit faire partie des compétences du travailleur qui jongle alors entre les périodes intenses de concentration et les tâches plus secondaires. Le « travail profond » permet d’obtenir des travaux à forte valeur ajoutée, innovants et de bonne qualité, et cultive nos compétences sur le long terme. De plus, cela rend le travailleur moins anxieux car libéré de sa spirale : distraction – culpabilité. Dans son livre, que nous vous conseillons grandement de lire, Cal Newport a mis au point 3 conseils afin d’assimiler le « deep work ».


Conseil 1. L’importance des rituels dans la vie professionnelle.

Pour qu’une journée soit efficace, il faut la fractionner en routines intelligentes. Le « deep work » nécessite un rapport temps – espace particulier pour pouvoir pleinement s’exprimer. Cal Newport proposent 4 méthodologies pour ritualiser son travail profond.

L’approche « monastique »

La plus radicale, on s’isole comme un moine pour travailler. On supprime tout ce qui est superficiel : smartphone, contacts extérieurs.
Cette méthode se réserve à une poignée d’individus comme par exemple les écrivains

L’approche « bimodale »

Le travailleur définit précisément une période d’isolation et donc divise son temps. À l’échelle d’une journée ou d’une semaine, on consacre 1/3 de son temps à du travail profond et le reste du temps est ouvert pour d’autres activités.

L’approche « rythmique »

Générer un rythme régulier de concentration par bloc de temps de manière régulée. Tous les matins de 9h à 11h par exemple, une séance de « deep work » avant même d’ouvrir sa boîte mail.

Conseil 2. Modérer l’utilisation de vos outils technologiques

Sans pour autant rejeter Internet, qui fait partie intégrante de nos vies professionnelles, l’auteur a une aversion (compréhensible) pour les réseaux sociaux qu’il définit comme « des gratifications instantanées de likes abrutissants ». Notre esprit s’est habitué à ces gratifications et notre inconscient est persuadé d’en avoir besoin constamment. Il conseille radicalement de se passer de réseaux sociaux pendant un mois afin de mesurer son taux d’addiction. Si ce test vous paraît insurmontable, il conseille de tout simplement mieux évaluer les instruments digitaux que nous utilisons à la manière d’un artisan qui choisit ses outils. Vous voulez aller sur Facebook ? Allez-y franchement quinze minutes de suite pour vous distraire, mais cessez d’ouvrir toutes les 7 minutes l’application sur votre smartphone pendant une période de 30 secondes. Ne fragmentez plus votre concentration.

Conseil 3. Redécouvrir l’ennui

C’est devenu limite un geste robotique. Que ce soit en attendant le métro, dans une file d’attente ou même en marchant dans la rue, on consulte notre smartphone. Le monde moderne a habitué notre cerveau à la distraction continue, à la nouveauté et donc à la capacité de déconcentration.

Cal Newport propose de pratiquer la méditation productive. Lorsque votre corps est occupé physiquement (sport, douche, marche) restez concentré sur un seul problème bien défini de votre journée et tentez de le résoudre. Avec cette technique, l’auteur nous pousse à repenser totalement notre manière d’appréhender le concept de « pause ». Le but ultime ? Ne plus se sentir en pause pour se distraire, mais plutôt faire une pause pour reposer sa concentration.

Conclusion

Pour aller plus loin sur le sujet, voici une une intervention de Cal Newport en 2016 lors d’une conférence TED intitulé « Quittez les réseaux sociaux ».


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